RASPOUTINE RACONTE: LE MATOUTOU DE SA MAMAN, MAN AGNÈS.
“Crabe de terre, crabe de mer, crabe de rivière, où allez vous? nous allons dans un faitout pour faire un bon matoutou!“
En ce week-end pascal, j’avais envie de rendre hommage à la tradition du matoutou en Martinique.
Bon chez moi, c’est simple, le matoutou c’est chez mamie au Gros-Morne et c’est papa qui le prépare (parce que son matoutou est le meilleur venez pas débattre avec moi je veux rien entendre…)
J’ai donc demandé à papa de me raconter les lundis de Pâques de son enfance.
Histoire de voir comment les choses ont évolué.
Raspoutine et sa soeur Tatie Marie-France vous racontent le matoutou de leur maman Agnès, dans les années 50-60 au Robert …
Un bel hommage
LE JOUR DES CRABES
Manman se levait “avan mèl” pour préparer le festin. Il fallait s’affairer.
Elle installait son tray et ses quatres pieds, allumait son teisson, et commeçait à s’occuper des crabes.
Et des crabes on en avait à portée de main!
En 1964, on a déménagé à la rue Schoelcher “an banan Marcellien”.
(Parce que M Marcellien, commerçant et conseiller municipal plantait des bananes sur ce terrain)
On était vraiment sur les 50 pas géométriques près de la mer, alors il y avait beaucoup de crabes!
Je me rappelle d’ailleurs du soir où on est venu s’installer sur ce terrain. A cette époque on squattait carrément les terrains! Le maire Paul Symphor fermait les yeux!
On est venu barrer la maison avec du barbelé à la lumière du flambeau.
La charpente était déjà construite, toutes les pièces de bois étaient numérotées en chiffre romain. On assemblait la maison comme un légo.
An banan’ Marcellien té ni bon krab! On se levait la nuit crab ka kouri an tout’ kay la, j’ai même vu des crabes transpercer le sol en ciment pour sortir!
Pendant que Agnes cuisinait, tous les enfants se levaient et venaient l’aider. On était tous mis à contribution.
Il fallait trier le riz. On vendait du riz “ordinè”, une sorte de riz cassé, qu’il fallait absolument trier parce qu’il était sale, plein de mites et de roches.
“Lè ou té tombé enlè an roche sa té ka glacé den’w!”
[…] ou aller faire des commissions: “ Marie-France ay pren an chopine luil ba mwen kay Man Denis!” Marie-France
UN MENU “HAUT DE GAMME”
Il y avait du boulot! Parce que chez Agnès, le lundi de Pâques était une institution!
C’était un vrai festin, il n’y avait pas que du matoutou!
“Agnès té ka fè manjé papa! Sé Marie-France ki kay baw menu a bien!”
UNE CUISINIÈRE HORS PAIR
“Manjé a té bon! Le matoutou avait une sauce onctueuse, sé pa té bagay dlo viré! Sé pa té an matoutou jaune fluo !!!
Epi le poulet carry c’était THE poulet carry! Jamais égalé! Je n’ai jamais retrouvé ce goût là!” Marie-France
Vers onze heures à peu près, tout était prêt, manman mettait son faitout sur le tray, le posait sur sa tête, et on était prêts à partir.
Je te parle d’un faitout d’au moins 20-30L!!
On était une famille nombreuse et puis il faut le dire, tout le monde venait goûter son matoutou.
La cuisine de Agnès était Réputée!!
“Manman nou té sa fè manjé! Pa oublié moun rototo té kay vini kay FOFOR pou manjé CRABES FARCIS Agnes!!” Marie-France
Elle a même cuisiné pour Valérie Giscard d’Estaing lors de sa venue en Martinique en 1974. Il l’a même félicité!!
Sé pa té an djindjin!
“NOU KA ALÉ AN PARTY!”
*nom donné à ce genre de fêtes.
Je me rappelle dans les années 50 on allait “an pati” près de chez M Labiche Nicolas.
Il habitait près du stade du Robert.
Il nous autorisait à squatter chez lui, c’est un monsieur très gentil!
L’embouchure de la rivière passait près de chez lui.
C’était encore très sauvage et la rivière très propre, il y avait beaucoup de poissons!
Le Robert était l’une des rares communes de l’époque à avoir un hypodrome (sur le stade), nou té ka jambé pist chouval la épi nou té ka alé an mangle lan! Sa té plen sirik!
On passait notre journée là, à pécher des ciriques à s’amuser…
Certaines années manman allait près de la cantine du Robert, comme il faisait frais! Chabine, les Ramaton, les Lagier, tous les voisins se réunissaient et venaient partager ce moment avec nous!
Et puis vers les années 60, on a commencé à aller à Pointe Fort, près de chez les Garçon!
Dans le temps les gens montaient à Pointe Fort pour les vacances, surtout les Plavonil qui y avaient leur terrain.
Tout le monde voulait manger notre matoutou, Doudou William, Marie-Cécile Boro (qui ne touchait même pas à son assiette). Un franc succès!
Je garde de très beaux souvenirs de cette époque.
Pâques, c’était les bons plats de manman, les amis, le partage.
On vivait ça naturellement, sans réaliser que c’était des choses extraordiniares.
C’est quand on grandit qu’on se rend compte de la valeur des choses.
On faisait les choses avec simplicité, une simplicité qu’on ne retrouvera sans doute jamais, et c’est pour cela que je chérie ces souvenirs.
16 commentaires
Belhumeur
Bonsoir,
Je tiens à vous dire que j’aime beaucoup vous lire, j’ai eu l’occasion de lire un hommage à votre père que je connais de vu oui je suis originaire du Robert aussi. J’adore. Je vous encourage à continuer car vous avez du talent. En vous lisant on se laisse transporter par ces belles anecdotes. Je dis bravo! Merci encore. Bonne continuation.
MAREM
On ne retrouvera plus jamais cette époque extraordinaire avec tant de valeur naturelle humaine et convivialité de bons souvenirs de jeunesse
Siger suzanne
Bonjour marie France très bon souvenir nos mamans savaient préparer le crabe
Marie-France ELMIRA
Bonjour Suzanne,
En effet, elles savaient cuisiner nos mamans respectives , mais pas que ! Elles excellaient dans la pâtisserie également. Comment oublier?
Michèle
J’adore ta plume !
Merci pour le partage, sa tro bel !
Leoture
La photo d’Agnes !!
Ton père sait pourquoi
Brenda14
je lui trasnmettrai le message!
HARNAIS Jacques
Merveilleux souvenirs tu m’a fait voyager dans le temps merci ma nièce.,dommage que nous.ne puissions.. revivre ces moments mémorables.
Brenda14
je suis contente que tu ais pu te les remémorer.Et surtout tu as eu la chance et le privilège de l’avoir vécu! c’est pas rien!! bisous!!
Ferjule
Bonjour jolie texte plein d amout et de souvenir en lisant le texte j ai fermer les yeux et j ai fait fais la route avec vous avec le matoutou belle plume continue a nous faire voyager
Brenda14
bonjour! je suis très touchée. Quand mon père raconte ses histoires on a vraiment l’impression de les vivres!
Govindin
Je ne suis pas Robertine mais je me souviens très bien des crabes farcis chez Fofor. Mes parents faisaient des km pour nous les faire déguster. Un délice. Jolie page d’histoire et dire que nous avons tous connu des moments comme ceux là !!!!L’ane de notre pays. Merci!
Brenda14
Justement je dois faire un article sur ce restaurant mon père m’en parlait quand j’étais petite. Visiblement il n’a pas menti!
ps: c’est un honneur d’être lue, par vous, dont la voix a rythmé ma vie!
Marie-France ELMIRA
Merci Charlina de nous faire revivre ces moments qui sont un délicieux moyen de replonger dans la nostalgie de ces années qui me font retomber en enfance.
Les plats de notre mère avaient souvent ce petit truc en plus, cet ingrédient secret impossible à trouver mais qui rend un plat tellement meilleur… Ses recettes, on le sait, sont des héritages précieux et délicieux qui nous évoquent de doux souvenirs d’enfance!
Elles devraient indubitablement avoir toute leur place sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
DULYMBOIS
lorsque je vous lit , je reviens 60 ans en arrierre bravo ! bon travail avec mes encouragements continuez
Brenda14
ohhh ca me touche! C’est justement pour parler de cette Martinique des années 50 60 que je fais appel à mon pere et à ses souvenirs! ravie que ca vous plaise!