Bon jen Wobè,  Raspoutine

EUGÈNE MONA ET LE ROBERT

Cette semaine on rend hommage à Eugène Mona.
Ai-je besoin d’expliquer à quel point quel grand artiste de la musique martiniquaise il était?
Non, je ne crois pas! 

Mon père a passé sa vie à me parler de ce chanteur, qu’il a côtoyé, et de son rapport particulier avec le Robert.

Parce que, oui Eugène Mona aimait le Robert et les Robertins, et ces derniers le lui rendaient bien. 

Raspoutine (mon père) raconte la relation entre Eugène Mona et le Robert, c’est parti!

PARRAINÉ PAR LA PERFECTA 

J’ai rencontré Eugène Mona dans les années 70 avec la Perfecta.

En 1968, il remportait le concours de la chanson créole avec sa biguine-vidé “Man ni bousoin an savon”.
Il était au début de sa carrière, les choses prenaient encore du temps…

Paulo Albin confirme:
“Le groupe venait de découvrir ce jeune prodige de la musique.
La Perfecta avait joué au Marigot et c’est là qu’on l’a découvert, on lui avait permis de faire un petit intermède musical. Il était plutôt réservé, mais il a accepté. 
Et il nous a scotché! Il a fait une prestation formidable vraiment! 

Et c’est là qu’on a enclenché les choses, on lui a proposé de nous accompagner lors de nos concerts à La Grange et à Tepsicora
Certains n’étaient pas d’accord: quand tu le voyais, il était pieds nus, ça faisait mauvais genre quoi, mais on disait “écoutez l’artiste, écoutez ce qu’il propose”.
On l’a vraiment pris sous notre aile, on lui a même organisé une soirée à Lagrange une fois!
Il a aussi joué avec nous au Robert, c’est là que Max Cilla l’a entendu pour la première fois d’ailleurs.”

On lui permettait de jouer quelques chansons même si certains musiciens n’étaient pas d’accord! 

Ou sav lé faux-bourgeois yo pa té enmen sa yo té ka di “koté missié ka soti épi toutoune bambou’y” … Yo yo té modern! Yo té ka joué sax, trompette! Modern dapré yo!

Mais nous on aimait ce qu’il faisait et on l’accompagnait, Roland Pierre-Charles au Piano, Jojo Tayali au chacha, Maurice Marie-Luce à la batterie, moi aux percussions…  

C’est comme ça qu’il a fait ses armes. 

C’est d’ailleurs lors d’un concert AU ROBERT avec la Perfecta que Mona rencontra son mentor Max Cilla…

CONCERT POUR L’ALCYON

L’un de ses premiers concert au Robert, c’était lors de la semaine culturelle de l’ALCYON en 1974.
L’ALCYON, était une association culturelle présidée à l’époque par Wilfranc Stephanie-Victoire. Elle existait depuis les années 50 et une nouvelle génération avait repris les choses en main.
Ils proposaient des activités aux jeunes de la commune: sport, musique, lecture… 

C’était un peu les débuts de Mona devant un public, il commençait petit à petit à être connu. 
C’est vraiment là que l’histoire d’amour entre Mona et les Robertins est née! 

LES SOLS D’OR 

Avec Louis “Loulou” Lusbec, j’avais créé une association qui s’appelait Caraib Koumbit (= coup de main en créole haïtien).
On avait organisé une remise de prix  “Les sols d’or” afin de rendre hommage à des artistes du Robert, mais des artistes “an ba bwa” des gens pas médiatisés.  

C’était en 88, cette année là, on avait décidé de rendre hommage à trois personnalités de la commune: 

M Breleur, il était boucher vers Duchesne/Monnerot, i té ka fè sirop pié bèf (pied de boeuf bouilli et gélatineux mélangé à des épices et du rhum)
Et il était aussi un grand maître de haute-taille, an “koumandè haute-taille”. 

Il organisait des soirées haute-taille pendant la fête du Robert! Il y avait une école primaire en face du marché, c’est là qu’il faisait ses soirées… 

Coco Liroy, un accordéoniste. Ce monsieur là, il allait dans les campagnes de Fond Brûlé, de Duchesne… le dimanche et il passait chez les gens et il jouait des sérénades, épi zouk la pri

le Père Ato qui était tambouyé de Duchesne. Cétait un grand mèt Danmié, il jouait à la fête du Robert! 

J’avais plein de bijoux en or cassés, et je suis allé chez Legros (ndrl: bijoutier du Robert) et je lui ai demandé de faire des broches en forme de clé de sol pour rendre hommage à ces gens là. 

Et Mona faisait partie du plateau d’artistes avec Max Ransay, Paulo Albin…


Et puis on a eu un invité surprise en la personne de Daniel Marie-Alphonsine! Il n’habitait pas loin (de la cantine) et il nous avait entendu jouer…Il est venu nous voir et nous a proposé de jouer en “piano-solo” c’était la première fois qu’il faisait ça. C’était extraordinaire! 

Quelques années plus tard avec mon association-mawon Anbians’ on l’avait invité pour notre semaine culturelle.. 

AVEC ROBERTO SON À AJOUPA-BOUILLON 

C’était en 1988, Loulou Lusbec était responsable de affaires culturelles d’Ajoupa-Bouillon, c’était
M Jean-Elie qui était maire. 

Et yo té fè an zafè fèt Ajoupa Bouillon! Loulou avait fait venir les majorettes de Four à Chaux, c’était beau!

Avec mon groupe Roberto Son on devait jouer le soir, et on a demandé à Mona s’il voulait nous accompagner. 

Il faut savoir qu’à l’époque Mona ne se produisait plus. Il avait eu de nombreuses déceptions dans le monde de la musique, des problèmes avec la police bref…  et il s’était retiré chez lui. Il s’était mis en standye.
“An tan tala i té ka mété gran boubou enley, yo di eugene mona vini fou”.

On est monté chez lui à Plateforme au Marigot, on lui a demandé de venir jouer et il a dit oui. 

Mona pa jen di nou non! 

LE JOUR OÙ ALFRED MONTHIEUX L’A AIDÉ 

Mona savait ce que les Robertins avaient fait pour lui. 
Il se sentait bien chez nous, et il venait souvent jouer pour les associations surtout pour l’Arsenal. 

Un jour il avait eu des problèmes financiers, man kwè yo té joué an koté épi organisatè a pa té péyé yo. Il n’avait pas d’argent et il fallait au moins payer les musiciens! 
Il est allé voir Alfred Monthieux alors président-fondateur de l’Arsenal, et il lui avait expliqué sa situation.

Fred avait donc décidé d’organiser une soirée spécialement pour lui à la cantine municipale. Les gens sont venus, ils ont payé, ils ont payé leurs consos etc.

A la fin du spectacle, Mona est venu voir Fred pour lui remettre l’argent de la caisse. 
Fred lui a dit de garder l’argent, c’est comme ça qu’il a pu payer ses musiciens.
Il n’a jamais oublié.

SES MUSICIENS ROBERTINS 

Dans son groupe, il y avait Roger Duquesne au chacha, on l’appelait “Dusquene Roi Chacha”. Il habitait au Lamentin mais il était de Duchesne. Toujours avec son grand chapeau! 

Bien sûr, vers la fin tonton Marc (Elmira) a joué avec lui. Il l’aimait beaucoup. 

Il voulait que Marc joue partout avec lui! Je me rappelle il passait le chercher avec sa Catrel! Il trouvait que c’était un grand musicien, il avait beaucoup d’admiration pour lui:
“Elmira ou fè lé gran scène ou za vwayajé sé wou man lé!”

Mona et Marc Elmira en séance d’enregistrement du titre “Siano” en Mars 1990 – Studio HIbiscus Records @Brut34

Et il a été son bassiste sur son dernier album, “son dessert” comme il disait, Blanc Manjé.

SON DERNIER CONCERT 

Mona a été invité par la ville du Robert pour jouer lors de la fête patronale en Août 91.
Et c’est aussi au Robert qu’il a donné son dernier concert pour l’association Sèbi de Fond-Brûlé. 

SON PREMIER HOMMAGE 

Il avait beaucoup de fanatiques au Robert, des “Monaïstes” comme Giselle Raphael “Ophélia” et bien sûr le grand Marc Brulu! 

@facebook

Marc sé an Monaiste de la première heure ! C’est lui qui a repris le flambeau. Dès 1992, un an après son décès, c’est lui qui a organisé le premier hommage, le mémorial Eugène Mona! An mèt a manioc!

Chaque année il est à l’organisation de cette institution du Robert qui réunit tous les amoureux de la musique de Mona: Pascale Pidibi, Marc Elmira à l’époque, Loute Elmira,  Frantz François-Haugrain, Pierre Chroné, Alain Devassoigne, Hervé Hery, Joel Ato, Fred Monotuka, Bloblo, Edmond Yala, Ophélia…

La commune a toujours soutenu cette initiative ainsi que Maison Beterbat! Yo toujou ba yo lov la!

@hc – Raspoutine toujours avec son t-shirt Mémorial Eugène Mona

Entre Mona et le Robert ça a toujours été une histoire d’amour et respect mutuel. 

Man ka sonjé lè i té ka vini joué wobè, i té ka di sé mizicien an: 
“Nou kay joué Wobè, mété kô zot byen! Zot sav sé boug Wobè a conet mizik donc pa fè la fèt épi yo”

J’aimais beaucoup Mona, la musique, le personnage, j’étais fan. 
Mona sété Vibrasyon! Lè i té ka joué bagay la té bandé, tanbou a té ka ronflé, mizik la té ka pren’w. 
Un show de Mona c’était quelque chose, il fallait le vivre. 

En tant que percussionniste, il me confortait dans l’idée que le chacha, le ti bwa avaient sa place dans la musique martiniquaise de l’époque. 

Sa musique donnait à certains l’impression d’être en régression “mizik vyé nèg” mais il était en avance sur son temps, sa musique était moderne. 

Mona nous rappelle qu’il est important d’honorer nos artistes de leur vivant. Yo pé di sa yo lé, mais Wobè nou toujou wè fos li.

Raspoutine.

8 commentaires

  • Pidery serge

    Les bals haute taille se faisaient à l’école des garçons là où on construit la médiatique.j’accompagnais ma maman qui dansait et me semble-t-il quelque fois au marché. A l’alcyon le terme de président n’existait pas.sinon pour l’administration.nous on parlait de secrétaire général à l’instar des partis révolutionnaires .cela nous a joué de mauvais tour d’ailleurs car on était catalogué association de gauchistes.mais on a animé pendant longtemps la vie culturelle robertine.

  • Claudine

    Après avoir lu cette article, j’ai juste envie de faire un petit retour en arrière pour pouvoir assister à une concert de Mona … dommage pour moi.
    En tout cas merci pour cette article.

    • Brenda14

      Merci Claudine! Moi aussi j’aurais aimé le voir en vrai, je pense que ça devait être une belle expérience! Heureusement sur Youtube il y a de beaux documentaires et de beaux lives !!

  • ADANS Cyrille G.

    J’ai connu Monsieur Eugène MONA par hasard, (s’il existait vraiment) en octobre 1970 faisant partie de la 1ere génération du Lycée de Trinité (devenu, par la suite FRANTZ FANON) j’étais interne et je revenais dans ma famille (à Monnerot Robert) pour le week-end 2 fois par mois. Le samedi en question, j’étais libre à 9h45 donc j’ai pris la route (à pied) vers le carrefour de Desmarinières et, à peine arrivé je fais un”stop” sur la “catrel” blanche qui descendait vers le Robert. A peine embarqué, nous entamons la conversation, il était mince, avec sa coupe afro très soignée (pourtant), très communicatif et exubérant il portait un bou-bou blanc à motifs bleus. Très enthousiaste lorsque je lui ai dit que j’étais au Lycée il m’a alors confié son grand regret de n’avoir pas pris “l’instruction”au sérieux dans son plus jeune âge et m’a encouragé à tout donner pour réussir. Il s’est présenté (il parlait beaucoup) puis m’a dit qu’il allait prendre des cours de flûte au SERMAC avec…Max CILLA! Lorsque je lui ai dit que Max était mon cousin (germain) c’est comme si il avait rencontré un membre de sa propre famille en dehors du fait qu’il aimait parler de Fraternité entre les hommes, de Paix ect. Du coup RV était pris pour qu’il me dépose au Robert, 2 fois par mois et nous échangions beaucoup sur des aspects philosophiques de la vie car il lisait beaucoup. En novembre 70, avec un groupe du Lycée, j’ai assisté à Fonds St Jacques, à l’enregistrement d’une émission televisuelle consacrée à la flûte des mornes par FR3. Il y avait Eugène Mona, Max Cilla Ti Émile et bien d’autres ténors de la musique traditionnelle….C’est à ce moment là que j’ai su que je ferait de la musique pour le restant de mes jours, mais toujours dans le respect et l’humilité que m’a enseigné Eugène MONA….j’ai, par la suite, rencontré des personnalités aussi attachantes que Johnny CLEGG et de grands noms de la musique martiquaise qui se reconnaîtront…
    Je vous remercie pour cette fidélité à sa mémoire…

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